séance de voyance

C’était un bon jour aujourd’hui. En effet, Charlie s’était levée avec le désir de gagner de l’argent. Comme tous les matins, évidemment. Quand on habite dans un petit studio et qu’on a du mal à le payer, on essaye de faire tout pour le changer. Mais Charlie est plutôt une grosse feignante. Quoi qu’il en soit, elle s’était levée de bonne humeur. Elle avait enfilé une tenue qui ressemblait à celle d’Esméralda ou encore Shéhérazade, pour faire son activité habituelle. Enfin, elle arrangea ses cheveux et se rajouta une touche de maquillage avant de sortir, direction le village touristique.

Pourquoi ce lieu ? Tout simplement parce que les touristes, ayant envie de s’amuser, dépensent plus que les habitants. Elle se positionna dans une rue assez fréquentée, et se mit à danser à la manière des bohémiennes. De temps en temps, elle accostait les passants.

Charlie ▬ « Voulez-vous découvrir votre futur ? Je lis dans les lignes de la main ! »

Elle continuait à en approcher, choisissant les gens au hasard, jusqu’à ce que l’un deux daigne lui répondre.

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Charlie regarda le petit garçon qui venait de l’apostropher en souriant, avant d’éclater de rire quant à la question qu’il venait de poser.

Jefferson ▬ « Bonjour madame, vous faites du voyeurisme ?
Charlie ▬ Pas du voyeurisme petit, de la voyance. Le voyeurisme, c’est autre chose. »

Elle s’accroupit légèrement afin d’être à sa hauteur d’yeux, regardant autour d’eux, sans apercevoir quelqu’un qui le cherchait, ou qui veillait sur lui.

Charlie ▬ « Tu n’es pas avec ta maman ? Tu es perdu ? »

Elle se releva, le prenant par la main pour l’entraîner sur le côté, là où la foule se faisait moins dense, pour être plus au calme.

Charlie ▬ « Alors dis-moi. Comment t’appelles-tu ? »

Elle lui sourit gentiment, pour essayer de lui enlever un peu de timidité et lui donner confiance, même s'il ne paraissait pas le moins du monde apeuré par la fausse gitane.

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Ce petit l’amusait. Voilà bien longtemps qu’elle n’avait pas passé du temps avec des jeunes enfants, et elle avait presque oublié les côtés amusants qu’il y avait à les fréquenter. Bien entendu, elle ne supporterait pas de s’occuper d’un plus d’une journée. Après tout, les entendre pleurer toute la journée pour un jouet perdu, ou simplement pour un « non ». Et puis, leur manie de rapetisser ou s’agrandir par leur simple volonté. Vraiment énervant, au bout d’un moment. Après tout, c’est une certaine preuve de superpouvoir, tandis qu’elle, elle ne faisait simplement semblant de pouvoir lire dans les mains.

Elle se passa les doigts dans les cheveux, les mettant en arrière, avant qu’ils se remettent en place. Geste futile et inutile, servant simplement à évacuer la tension de ses doigts. Elle regarda le jeune garçon qui lui demandait de lire dans les lignes de sa main. Elle regarda ensuite autour d’elle. Puis de nouveau le garçon, avant de soupirer. Elle n’arrivait pas à l’envoyer paître plus loin, surtout avec sa petite tête d’innocent garnement. Après tout, elle pouvait très bien faire un effort. Même si elle ne serait pas payée, elle allait s’amuser un peu avec lui.

Elle se pencha et lui prit la main, la fixant avec intensité, feignant la concentration. Elle resta ainsi quelques minutes, avant de passer sa main sur une des lignes du dit Stanislas. Charlie le regarda ensuite dans les yeux, passant un index sur ses lignes, comme pour suivre son futur, à l’instar d’une histoire.

Charlie ▬ « Alors, Stanislas. Ici, c’est la ligne de vie. Elle suivit la ligne de sa main, lentement. La tienne est longue, tu vois. Tu vivras donc longtemps, mais fais attention lorsque tu traverses la rue, hein ? Bon. Ensuite, la ligne du cœur. Elle m’a l’air pas mal non plus, tu ne trouves pas ? »

Elle se releva ensuite, lui souriant avant de lui ébouriffer les cheveux.

Charlie ▬ « Alors, ça te va ? »

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Elle ne comprit pas toutce que son petit interlocuteur lui disait. Elle n’arrivait pas où il voulait en venir sur la ligne de vie, mais fit semblant de comprendre.

Charlie ▬ « Exactement, tu as tout compris. »

Charlie regarda le garçon, amusée par son dégoût envers l’amour. Elle se souvenait de l’époque où elle avait son âge… Non, en fait elle ne se souvenait pas. Mais qu’importe. Elle sourit au garçon perdu, avant de lui répondre.

Charlie ▬ « Eh bien, non. Aucun moyen. Mais pourquoi ça ? Tu n’aimes pas les filles ? Et puis, tu sais, tu peux aimer les garçons aussi, hein. »

Elle ne savait pas exactement à quel âge on devait parler de ça aux enfants. De plus, elle n’était pas spécialement douée pour donner des conseils, donner une estimation d’âge de quelqu’un, et n’était pas vraiment très à l’aise avec les enfants, à partir du moment où elle restait plus de dix minutes seule avec l’un d’eux. Sentant ce moment approcher, elle regarda une nouvelle fois autour d’eux, espérant voir une maman ou un papa chercher son fils à travers la foule.

Charlie ▬ « Je ne pense pas voir ta maman, ni ton papa. Tu habites loin ? Ou tu es avec quelqu’un d’autre ? »

Se rappelant de son « erreur », elle se reprit.

Charlie ▬ « Enfin, je sais que tu es grand, mais tu ne devrais pas être tout seul. Tiens, au fait. Tu ne m’as toujours pas dit ton âge. »

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Décidément, ce petit la surprenait. Elle ne voyait pas du tout de quoi il parlait ; enfin, si. Elle se doutait qu’il parlait de la mythologie, mais elle ne savait que lui répondre. Elle venait de passer à peine dix minutes avec ce gamin, et il fallait qu’elle arrive à se mettre dans ce pétrin. Elle n’allait pas lui faire un cours d’éducation sexuelle, quand même. Si ça se trouve, il était plus callé qu’elle dans ce domaine. Légèrement exagéré, évidemment.

Charlie ▬ « Hm… Ecoute… enfin… »

Puis, la réaction du garçon la prit totalement au dépourvu. C’était une chose de toucher les mains des gens pour leur lire l’avenir, c’en était une autre de se faire enlacer de la sorte par un petit homme qu’elle ne connaissait même pas. Charlie ne savait pas comment réagir dans ce genre de situation, et lui tapota simplement la tête, légèrement retissante.

Charlie ▬ « Mais euh… Ne t’inquiètes pas, ce n’est pas près d’arriver… Et puis, ce n’était qu’une éventualité. Tu choisiras toi-même tu sais, rien n’est certain… »

Elle essayait par tous les moyens de le rassurer, sans pour autant avoir l’impression de trouver les bons mots. Elle fit tout son possible pour essayer de se calmer elle-même, pour ne pas le repousser, comme ce que toutes les fibres de son corps semblaient lui souffler à l’oreille.

Charlie ▬ « Je t’assure… Et puis, les filles c’est bien, aussi, hein. »

Tout en disant cela, elle regarda en coin le garçon. Ce n’était certes pas sa faute, mais il venait de soulever un point important. Les femmes sont toujours en infériorité. Les hommes ne tombent pas enceinte, n’ont pas tous les désagréments liés à la grossesse. Ils n’avaient pas les règles non plus. Un soupir s’échappa de ses lèvres, contre son mini-débat intérieur. Encore une chose non équitable. Vive l’égalité des sexes, hein.

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Charlie regarda l’enfant, incrédule. Elle se demanda si elle avait vraiment bien comprit ce qu’il voulait dire. Et, comme si les rôles avaient été inversés et que c’était lui qui lisait sur le visage des gens, il lui confirma ses peurs. Elle cligna plusieurs fois des yeux, et une seule chose put sortir de sa bouche, une seule, qui pourtant, elle en était sûre, ne dissuaderait pas l’enfant.

Charlie ▬ « J’ai pas de ciseaux… Désolée. On remet ça à une autre fois ? »

Alors qu’elle s’apprêtait à fuir cet étrange personnage, prendre ses jambes à son cou sans un seul regard en arrière, elle se ravisa. Après tout, elle était l’adulte. Soit, la raisonnable, la sage, etc, etc. Et lui, l’enfant. Qui faisait des bêtises, et c’était aux adultes de les réparer. La fausse gitane resta un moment plantée là, à regarder le bonhomme, se demandant que faire de lui.

Charlie ▬ « Bon… Ecoute-moi bien. Même si tu faisais ça, ça ne changerait rien. En fait, pour que tu ne… hm, pour que tu ne tombes pas enceinte, il faut que tu… »

Elle se tut un instant, cherchant quelque chose à dire. N’importe quoi. Du plus énorme mensonge inimaginable au plus petit. Il fallait qu’il la croie. Parce que, dans le cas contraire, il ne la croirait plus. Alors, elle ne pourrait pas lui enlever cette idée de la tête.

Charlie ▬ « Pour corrompre le sort, il suffit que tu embrasses une fille. C’est simple, non ? Il doit bien y avoir une fille que tu aimes plus que les autres, non ? »

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Jefferson ▬ « Mais ... VOUS, vous êtes bien une fille !
DONC SI JE VOUS EMBRASSE, JE SERAI SAUVÉ ! »

Charlie le regarda comme s’il était devenu fou. Pourtant, si on suivait la pensée logique de cette conversation, c’était bel et bien logique. Elle aurait dû y penser, d’ailleurs. Mais voulant se concentrer sur le problème de la main du jeune homme, elle n’avait pas pensé à cela. Alors, elle regretta ses paroles. Comme beaucoup de fois. Tandis qu’il se rapprochait de la jeune femme, elle reculait. Elle espérait de tout son cœur qu’il n’y ait pas un mur ou autre chose qui bloque sa fuite.

Jefferson ▬ « Je vous aime bien, vous savez ! Plus que les autres filles alors ça va marcher hein ? Dites, ça va marcher ?!
Charlie ▬ Non, ça ne marchera pas avec moi… Parce que… Parce que… »

Aller, Charlie. Active tes méninges, tire-toi de ce mauvais pas… Soudain, elle imagina la scène vu de l’extérieur. Du point de vue des passants, qui marchaient dans la rue, sans se rendre compte qu’un éventuel viol pourrait se produire. Car pour Charlie, rien qu’un petit baiser de rien du tout était un viol. Viol de l’intimité. Bien entendu, c’est moins grave qu’un viol habituel, mais c’en est un quand même. Après tout, si on regardait le mot seul. Viol, voulait aussi dire infraction. Profanation. Outrage, et bien d’autres synonymes encore.

Charlie ▬ « Ecoutes, ce n’est pas possible. Tu ne peux pas m’embrasser hm… Comme ça, devant tout le monde ! Ce n’est pas… Possible. En plus, regarde. Il fait presque nuit. Il faut que le rituel se fasse le matin, ou pendant la journée. Pas à la tombée de la nuit. »

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Il lui faisait tout de même de la peine, ce petit. Enfin, un peu. Ce n’était jamais bien agréable de voir un enfant pleurer. Surtout si c’était en partie notre faute. Techniquement, il ne pleurait pas encore ; mais Charlie avait peur. Peur qu’il se mette à pleurer à chaudes larmes, sans qu’on puisse les arrêter. Pleurer en hurlant –certaines personnes ne pouvaient de retenir d’hurler, surtout s’ils se sentaient incompris et si la situation les avaient mis en colère. Elle recula une nouvelle fois, légèrement, prête à prendre la fuite à la moindre larme débordant de son œil.

Jefferson ▬« On m'a toujours dit que les trucs importants ils se faisaient avant minuit ! Donc si rien ne se passe avant minuit, je pourrai plus changer mon futur, madame ! »

La jeune voyante regarda longuement son petit client. La situation avait tellement changée ! Si elle avait su que cela lui aurait apporté tant de problèmes et de casse-tête. Plus elle regardait le visage de l’enfant, plus elle avait envie de céder. Elle soupira longuement.

Charlie ▬ « Tu as raison. J’ai dû me tromper. »

Encore une fois, elle soupira. Puis, lentement, très lentement, elle se baissa pour lui faire face, avant de lui tendre la joue avec une légère once de rétissance. Après tout, elle n’avait rien à perdre.

Charlie ▬ « Très bien. Alors, un bisou. Un seul, hein. »


Elle ferma ensuite les yeux, priant pour qu'il se dépêche.

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Les yeux clos, elle attendit. Elle attendit que la chose horrible. Et puis… Le bisou vint, tout doux, comme une caresse. Elle ouvrit un œil, puis se releva lorsqu’il eut terminé. Ce n’était pas si désagréable, finalement, se dit-elle. Mais ce n’est pas pour cela qu’elle recommencera d’aussi tôt. Elle reprit d’un coup toute la pseudo assurance d’il y a quelques minutes.

Charlie ▬ « Mais si, ça a marché, ne t’en fais pas.
Jefferson ▬ Peut-être il faut le faire sur la bou... »

C’est à ce moment que Charlie perdit ses moyens. Elle devint livide ; son visage perdit ses quelques couleurs. Elle commença à s’imaginer la scène. Moi. Et lui. En train de… Un frisson la parcouru, puis regarda une nouvelle fois le garçonnet. Vite, il fallait se débarrasser de lui.

Charlie ▬ « Oui oui, c’est tout. C’est normal que tu ne sentes rien ; c’est psychologique, tu ne peux pas le sentir juste comme cela… Hm, maintenant, si tu permets, il faut que je parte. Je dois… hm… »

Et puis zut. Elle n’avait pas besoin de se justifier pour un gamin. Cependant, elle ne voulait pas le laisser seul ici ; car malgré tout, elle se sentirait responsable s’il lui arrivait quelque chose. Alors, une nouvelle fois, elle se pencha vers lui pour lui poser la même question que quelques temps plus tôt.

Charlie ▬ « Où sont tes parents ? Je vais te ramener auprès d’eux. »